Adrien - Jeudi 30 Octobre 2025

🔭 3I/ATLAS: l'objet venu d'ailleurs révèle un métal "impossible"

La découverte récente de vapeur de nickel autour de l'objet interstellaire 3I/ATLAS bouleverse notre compréhension de la chimie cosmique. Les astronomes ont observé un phénomène inattendu: une émission métallique à des distances du Soleil où les températures restent normalement trop basses pour permettre leur vaporisation.

L'équipe internationale dirigée par Rohan Rahatgaonkar et Darryl Z. Seligman a utilisé le Très Grand Télescope (VLT) au Chili pour suivre l'évolution chimique de cette comète venue d'ailleurs.


Image du télescope spatial Hubble montrant la comète interstellaire 3I/ATLAS avec sa chevelure et sa queue naissante.
Crédit: NASA/ESA/David Jewitt (UCLA)/Joseph DePasquale (STScI)

Leurs observations spectroscopiques ont révélé la présence de vapeur de nickel atomique à une distance de 3,88 unités astronomiques du Soleil, soit près de quatre fois la distance Terre-Soleil. Ce qui rend cette détection particulièrement remarquable, c'est que normalement, à de telles distances, les températures sont trop froides pour que les métaux puissent passer directement de l'état solide à l'état gazeux.


Les chercheurs ont constaté que l'intensité de cette émission métallique augmentait significativement au fur et à mesure que la comète se rapprochait de notre étoile.

L'absence simultanée de détection de fer dans les spectres obtenus suggère un mécanisme de libération du nickel différent de la simple sublimation. Les scientifiques proposent que le nickel pourrait être lié à des molécules organiques complexes qui se décomposent sous l'effet du rayonnement solaire. Ces composés, appelés carbonyls métalliques, pourraient libérer des atomes de nickel à des températures bien inférieures à celles nécessaires pour vaporiser le métal pur. Cette hypothèse expliquerait pourquoi on observe du nickel sans détecter de fer, ce dernier étant moins susceptible de former ce type de complexes volatils.


Spectres UV/bleu de 3I/ATLAS montrant l'émission de nickel sur différentes périodes d'observation.
Crédit: Rahatgaonkar et al.

Les observations complémentaires du télescope spatial James Webb ont révélé d'autres particularités chimiques de cette comète interstellaire. Son atmosphère, appelée coma, contient une proportion inhabituellement élevée de dioxyde de carbone par rapport à l'eau, un ratio qui diffère de celui observé dans la plupart des comètes de notre Système solaire. La détection simultanée de glace d'eau et de monoxyde de carbone suggère un mélange de matériaux glacés qui se réchauffent progressivement. Ces caractéristiques chimiques pourraient refléter les conditions particulières du système stellaire où cette comète s'est formée, il y a potentiellement des milliards d'années.

La poursuite des observations au cours des prochaines semaines promet de nouvelles découvertes sur la composition des matériaux interstellaires. Les astronomes espèrent détecter l'émergence de nouvelles espèces chimiques et mieux comprendre les processus à l'œuvre dans ce visiteur interstellaire exceptionnel. Ces études comparatives entre comètes interstellaires et comètes du Système solaire nous aident à déterminer si les ingrédients de base pour former des planètes sont universels ou varient selon les environnements stellaires.

Les comètes interstellaires: messagers cosmiques



Les comètes interstellaires comme 3I/ATLAS représentent une catégorie d'objets célestes qui ne sont pas liés gravitationnellement à une étoile particulière. Elles voyagent à travers la galaxie, traversant occasionnellement des systèmes planétaires comme le nôtre. Leur vitesse élevée et leur trajectoire hyperbolique permettent de les distinguer des comètes natives de notre Système solaire.

Ces voyageurs cosmiques se sont formés autour d'autres étoiles, probablement dans des disques protoplanétaires similaires à celui qui a donné naissance à notre propre système. Leur composition reflète les conditions physiques et chimiques particulières de leur système d'origine, ce qui en fait des échantillons naturels de matériaux extraterrestres. Contrairement aux météorites, elles n'ont pas été modifiées par l'entrée dans l'atmosphère terrestre.

L'étude de ces objets permet aux astronomes de comparer directement la matière provenant de différents systèmes stellaires. Chaque comète interstellaire détectée offre ainsi une opportunité unique de tester si les processus de formation planétaire sont universels ou s'ils produisent des résultats différents selon l'environnement stellaire. Leur rareté et leur passage rapide rendent chaque observation particulièrement précieuse pour la communauté scientifique.

La spectroscopie astronomique: décoder la lumière des astres


La spectroscopie est une technique fondamentale en astronomie qui consiste à décomposer la lumière des objets célestes en ses différentes longueurs d'onde. Chaque élément chimique et chaque molécule possède une signature spectrale unique, comme une empreinte digitale lumineuse. En analysant ces spectres, les scientifiques peuvent déterminer la composition chimique d'objets situés à des années-lumière.

Dans le cas de 3I/ATLAS, les chercheurs ont utilisé des spectrographes comme X-shooter et UVES installés sur le Très Grand Télescope au Chili. Ces instruments sont capables de détecter des raies d'émission spécifiques correspondant à des atomes de nickel excités. L'intensité de ces raies permet de quantifier la quantité de nickel présent dans la chevelure de la comète.


La détection de nickel sans fer simultané est particulièrement révélatrice. Elle indique que le nickel n'est pas libéré par simple chauffage, mais probablement par des processus chimiques plus complexes. Ces observations spectrales fines permettent de remonter aux mécanismes physico-chimiques qui se produisent à la surface de la comète, même à des distances où les instruments ne peuvent pas résoudre directement sa structure.
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